dimanche 22 février 2009




Sous le regard des barbares
Hommage à Sidoine Apollinaire
La collégiale saint-Seurin de Bordeaux à la lumière de l’archéologie de l’Espagne wisigothique





Canevas de la leçon donnée le 9 février 2009 dans le cadre des cours de l’Université hors les murs en marque de protestation contre le mépris affiché par le Président de la République Nicolas Sarkozy à l’égard de la culture classique.

Cette leçon s’inscrit dans le cours du L3 archéologie 2008_2009 : Archéologie de l’Espagne wisigothique




Bordeaux wisigothique 414-507

Sidoine Apollinaire † 486 donne une image très vivante de la société bordelaise à la fin du Vème siècle, notamment dans l’ éloge funèbre de Lampridius
declamans gemini pondere substili coram discipulis burdigalensibus
discourant en vers et en prose au milieu de ses étudiants bordelais » (ép IX 13)

Euric 466-485 successeur de Théodoric II : 466 rompt le foedus = royaume wisigothique en 475. Réside à BX . Sidoine décrit la cour d’Euric réglant les affaires d’Etat et recevant les ambassadeurs prosternés

« Ici nous voyons le Saxon aux yeux bleus, habitué à la mer, redouter la terre ferme; ici le vieux Sicambre, vaincu, se montre la tête rasée; le Hérule, aux yeux glauques, qui habite à l'autre extrémité de l'Océan, erre ici loin de sa patrie; le Burgonde de sept pieds fléchit souvent le genou et demande la paix. Fier de la protection d'Euric l'Ostrogoth reprend des forces, presse les Huns ses voisins et paie, en se soumettant ici, le droit d'être superbe avec eux. Le Romain attend de lui son salut: c'est la Garonne qui défend le faible Tibre. Le Parthe lui-même sollicite et achète son alliance, il oublie ici qu'il est parent du soleil et des étoiles »

Le successeur d’Euric, Alaric II meurt à Vouillé 507




Problématique générale : Sous le regard des barbares, la rupture Vème siècle
Changement de « paradigme » de « modèle » de « pattern »
Quid entre Ausone 309-394 et Bertechramnus (†623)

La douceur de vivre sous l’ancien régime Salvien(Du gouvernement de Dieu 7-8) français« tout le pays est tissé de vignes, parsemé de fleurs poussant dans les prés parsemé de champs cultivés, planté d’arbres fruitiers, embelli par les bosquets, arrosé de sources, entrecoupé de fleuves, couvert de moissons ondoyantes ».

Le respect de codes culturels, fondement d’une société équilibrée (quelle qu’elle soit, évidemment il ne s’agit pas de faire l’éloge, dans l’absolu, de la société romaine, esclavagiste et inégalitaire, déjà chancelante au Vème siècle, mais de faire comprendre les fondements du système politique et du mode de gouvernement. Pour ce faire il est essentiel de comprendre ce qu’est l’ideal de la paideia cf Peter Brown, Pouvoir et persuasion dans l’Antiquité tardive

La notion de bienséance

Ces comportements aristocratiques qui assuraient l’équilibre et la cohésion de la société romaine sont brisés par l’intrusion de l’aristocratie barbare dans les rouages du pouvoir , cf :Boèce : consolations de la philosophie

Evolution « interne » de la pensée antique :

Ces bouleversements ne sont pas uniquement imputables à l’arrivée des barbares ; le lit du désastre a été préparé par le durcissement du pouvoir impérial mais aussi par de profonds bouleversements spirituels qui ont conduit au triomphe du christianisme constantinien

-du stoïcisme à la crainte de Dieu
-le « renoncement à la chair » ascétisme oriental, violences monastiques
-la gloire du corps du Christ
-l’assimilation de l’Eglise à l’état
-l’ Eglise se substitue à l’Etat

Nouvelles aristocraties barbares

Les rois wisigoths : incultes ? Théodoric élevé à Byzance, illettré, mais
Euric ???
Possible aculturation au contact des aristocraties romaines : Renaissance Isidorienne (Sisebut : Astronomicum, Vita de saint Didier… Chindaswinthe envoie des missions à Rome…)
La culture de l’Espagne wisigothique : cf J. Fontaine
Mais : Wickham : Il est en effet évident que l’aristocratie se détourne d’une tradition civile basée sur un concept de l’ocium marqué par la tradition littéraire au profit d’un profil nettement plus militaire plus proche de celui qui était le propre des chefs militaires romains, qui ne furent jamais des grands lecteurs de Virgile ni utilisateurs de thermes et hypocaustes. Ce n’était pas non plus le cas de leurs successeurs germains ni celui des héritiers de l’aristocratie civile romaine en 700 (Wickham).
Ce qui est certain c’est que les archéologues n’ont toujours pas trouvé les témoignages du monde matériel dans lequel vivaient ces aristocrates du VIIIème siècle, mais ce n’était en tout cas plus des villas lièes à une culture de la démonstration architecturale.


Crypte archéologique

Sauvaitre SAB 2005
Tvx de Cirot de la Ville (intérieur) 1858
Paul Courteault 1909-10, paul Duru 1959 (nord de la chapelle ND de la Rose
1980 Pichoneau (parvis),
PCR Boissavit Camus + maitrise sauvaitre ;
2005 J.L Piat


Crypte archéo : autour de 2 gds bts (1 et 4) datées par amphores d’inhumation d’enfants fin IIIème IVème s
Bt 7 un peu postérieur 1) moitié IVè
9 espace à ciel ouvert ? amphores IVè (contemporain de la salle absidiale actuelle crypte) + vt batiment 7 aménagé (fresque, banquettes funéraires + sarcophage au cervidé)
Début Vè salles 2 et 3 fermant l’espace libre entre 1 et 2
Au sud une salle absidiale abandonnée au VIIème au moment ou la nécropole mérovingienne recouvre ces structures.
« lotissement funéraire ? » -cf Saint laurent de Grenoble, Ostie
Mausolées (fresques) –dessin de Lacour-


…à la lumière de l’archéologie de l’Espagne wisigothique

Problématique historique : premiers cultes chrétiens X premières cathédrales :
Rapports avec le monde ibérique
Pb positionnement des premières églises chrétiennes (St Fructueux Tarragone ? nécropole francoli, amphithéatre), sainte Eulalie Barcelone –actu Sa Ma del Mar- ; St félix de Gérone (sarcophages)

Baptistères et pseudo baptistères
Tarrasa Egara

Problèmes historiographiques
Cirot / Puig y Cadafalch /marquise de Maillé / Durut/ Hadès/Fac

Problèmes muséographiques
Les cryptes archéologiques (Barcelone, Saint Seurin) ; autres formules Saint Laurent de Grenoble

La « basilique » Saint Seurin

Façade « néo romaine » de Poitevin

Grégoire de Tours †594 habet burdigalensis urbs patronos venerabiles…sanctum Severinumepiscopum suburbano murorum



« La ville de Bordeaux possède aussi de vénérables patrons qui se manifestent souvent par des prodiges. Elle adore par-dessus tout saint Séverin, évêque, dans une église d'un faubourg. Séverin, comme le rapporte le récit fidèle des clercs bordelais, vint d'Orient dans la cité. Pendant qu'il mar­chait, le Seigneur apparut une nuit à l'évêque Amand, qui gouvernait alors Bordeaux, et lui dit: « Lève-toi» et va au-devant de mon serviteur Séverin et honore-le, comme la sainte Ecriture nous ordonne d'honorer l'ami de la Divinité ». L'évêque Amand se leva, prit son bâton, et alla au-devant de l'inconnu, dont il ne savait que ce que Dieu lui avait révélé. Et voici saint Séverin venant com­me à sa rencontre. Ils s'approchèrent l'un de l'autre, se saluèrent de leur nom, s'embrassèrent et se donnèrent le baiser de paix; puis, discourant ensemble, ils entrèrent dans la cathédrale au chant des psaumes. Séverin devint dans la suite si cher à l'évêque Amand, qu'il lui céda son siège, et se regardait comme son cadet. Quelques années après mourut le bienheureux Séverin. Quand il fut enterré, Amand reprit sa place; il n'est pas douteux qu'il ne la recouvra à cause de l'obéissance montrée au saint de Dieu. Cela révéla au peuple la sainteté de Séverin: il le prit comme patron, et si la ville est en proie à la peste, ou à un ennemi, ou à quelque sédition, la multitude accourt à la basilique du saint, s'impose des jeûnes, célèbre des veilles, se livre à de dévotes oraisons, et bientôt la ville est sauvée du malheur. »


Le mausolée sur lequel se greffa la confession primitive de Saint-Amand et Saint-Seurin, dans la crypte « historique », au cœur de la grande collégiale, est vraisemblablement contemporaine de ces tombeaux.
Il ne semble pas cependant que ces aménagements puissent être antérieurs au VIème siècle, et si église basilicale il y eut sur cette nécropole, celle-ci fut plutôt celle dédiée à Saint-Étienne qui se dressait à une vingtaine de mètres au nord est de l’église actuelle. La dédicace à Saint-Étienne est concordante avec une église paléo-chrétienne, mais des explorations archéologiques seraient nécessaires pour confirmer cette ancienneté présumée. Un autre argument en faveur de l’antériorité de Saint-Seurin comme siège épiscopal pourrait être la présence d’un baptistère, mais l’aménagement présenté comme tel par Duru n’est plus reconnu comme tel et ni les arguments en faveur d’un baptistère dans la rotonde disparue au droit de la rue Ségalier, ni ceux en faveur de celui qu’évoquerait la chapelle Saint-Jean-Baptiste de l’église actuelle n’emportent l’adhésion.
A propos de la rotonde disparue, on peut évoquer La Daurade de Toulouse (Sainte Marie de « La Daurade » à Toulouse. Du sanctuaire Paléochrétien au grand prieuré clunisien médiéval Jacqueline Caille, avec la collaboration de Quitterie Cazes)
Abside (et crypte) polygonale (et non sans doute rotonde, comme on avait pu le croire) greffée sur salle antique V° ? VI° ? chapiteaux, décor mosaîque


La crypte historique de Saint-Seurin de Bordeaux

La création dans les années 1960 d’une crypte « archéologique » au sud de l’église Saint-Seurin amène à désigner comme crypte « historique » ce qu’il vaudrait mieux appeler « confession » pour privilégier une fonction réelle (confession : lieu de vénération du corps d’un personnage ayant tôt confessé et proclamé sa foi dans le Christ) à une structure non avérée (crypte : lieu souterrain dérobé au regard). Cet espace, aujourd’hui effectivement enterré sous les remblais apportés au XVIIème siècle pour surélever le sol de l’église Saint Seurin fut vraisemblablement aménagé à l’origine pour valoriser au sein d’une première église basilicale les vestiges d’un mausolée du IVème siècle dans lesquels furent rassemblés des sarcophages réputés être ceux des fondateurs de l’église bordelaise. La date exacte de cette forgery, pour reprendre un terme servant à désigner un faux constitué par un assemblage de fragments authentiques, n’est pas connue mais on peut considérer qu’elle correspond ou peu s’en faut à la fondation, retenue par l’historiographie, de l’église par l’évêque Bertechramnus, opulent prélat mérovingien, qui fut diacre de Saint-Seurin de 574 à 585 avant de devenir évêque du Mans,.
Autour d’une fosse dallée sans doute originellement partie inférieure d’un mausolée de plan quadrangulaire fut alors érigée une construction comprenant trois vaisseaux parallèles prolongés par des absides trapézoïdales dont les voûtes massives surélevaient le chœur d’une grande basilique. Ce dispositif permettait aux fidèles assemblés dans la nef de deviner sous l’espace scénique ainsi aménagé les fondements sacrés sur lesquels se déroulaient la liturgie eucharistique.Il subsista jusqu’au XVIIème siècle faisant de Saint Seurin une véritable basilique funéraire et de sa confession le haut lieu du christianisme bordelais . Celle-ci manifestait son ancienneté, non seulement par les sarcophages qui y étaient conservés, mais aussi par les éléments de construction antique qui y avaient été remployés : en subsistent deux chapiteaux et des fûts de colonnes en marbre assemblés en un savant désordre selon les règles qui doit sans doute plus à une esthétique de « spolia » c'est-à-dire intégrant volontairement les « dépouilles » d’un passé prestigieux à la glorification d’un lieu sacré, qu’à une insuffisance de moyens. Des modifications successives sont venues altérer les dispositifs initiaux, les plus considérables sont consécutives à l’effondrement partiel des voûtes de la nef de l’église en 1700 qui se répercutèrent sur celles de la confession. C’est d’alors que datent les massifs de maçonnerie qui encombrent les collatéraux et sans doute, bonne part des voûtes actuelles. Au cours des siècles du premier Moyen-Âge, entre le VIème et le XIIème siècle, diverses reliques vinrent enrichir ce sanctuaire : celles de sainte Véronique et sainte Bénédicte (femme de Sigebert qui guérit son époux grace au baton de Saint Martial) et celles plus mystérieuses de Saint Fort qui finit par prendre dans la crypte la place de saint Seurin vénéré à partir du XIIème siècle sans doute dans une nouvelle « confession » aménagée dans le chœur de l’église haute.

Les sarcophages « de l’école d’Aquitaine »

207 dont 15 à Bx V° ? VI° VII° ? iconoclasme = arien ??? chrisme à rho ouvert = mérovingien ? trapezoïdaux X raomains (Arles)
Abstraction des motifs végétaux + chrisme = Ravenne

Plaques de Chancel VIIIè ? IXè ?


…..à la lumière de l’archéologie de l’Espagne wisigothique

Chapiteaux et colonnes : la question des spolia et de la légitimation du pouvoir

La « culture » comme spolia ?
Les remplois de chapiteaux antiques dans l’architecture wisigothique

San Juan de Baños : Caballero distingue dans le décor de cette église , trois groupes, l’un qu’il qualifie de wisigothique, un deuxième d’influence omeyyade, un troisième plus proche du monde asturien.Au premier groupe contemporain du premier édifice construit en pierres d’appareil en remploi appartiennent les colonnes et leurs chapiteaux, en remplois, leurs tailloirs, les éléments de l’abside nord et l’inscription de Receswinthe elle-même

Cette attitude, caractéristique de la culture « isidorienne » nous amène à nous interroger sur la culture comme spolia dans le cadre d’une société instable en perte de repère qui est la société de l’Espagne Wisigothique et à projeter ce modèle de conception de la culture académique sur notre société.

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